The Orientalist Museum of Marrakech

The Orientalist Museum of Marrakech

The Orientalist Museum of Marrakech

L’orientalisme à Marrakech

J’attendais avec impatience l’ouverture du dernier-né muséal de Marrakech dont la thématique me tient particulièrement à cœur : The Orientalist Museum.

C’est par une journée ensoleillée de février que je m’y suis rendue, après quelque 20 minutes de marche depuis le Riad Dar Zampa. Quelques repères pour le trouver : il est situé dans le quartier de la Maison de la Photographie, jouxte une vieille mosquée d’époque saadienne, la mosquée Al-Ousta.

Le musée occupe un riad du XVIIe siècle qui doit sa résurrection au savoir-faire des artisans marrakchi, fidèles à la tradition de l’ornementation architecturale. Mais c’est à l’instigation de Nabil El Mallouki, passionné d’art et de patrimoine que ce lieu particulier a vu le jour.

En totale immersion dans le monde de l’art, cet insatiable amoureux des belles choses est déjà à l’initiative de la Matisse Art Gallery et du MACMA (Musée d’Art contemporain marocain de Marrakech), dans le passage Gandouri au cœur du Guéliz.

The Orientalist Museum of Marrakech

Ce dernier avait ouvert ses portes deux ans auparavant, en février 2016. Alors qu’y alternaient expositions thématiques et présentation de la collection permanente dans un lieu design à l’architecture épurée, l’ouverture d’un nouveau musée dans la médina permet désormais au MACMA de concentrer son objectif sur les artistes marocains, depuis l’émergence d’une expression picturale marocaine (années 20) jusqu’aux contemporains. Dans cette perspective, des thématiques seront élaborées, notamment autour des peintres de Marrakech, mais également des rencontres, des conférences, des projections et des événements cibles au sein d’un espace en total harmonie avec de telles activités.

The Orientalist Museum of Marrakech

En toute logique, les collections de peintures orientalistes, dont une partie était déjà visible lors de l’exposition « L’Orient à travers l’œil des peintres orientalistes » présentée au MACMA, ont été transférées au cœur de la médina. Riche collection étoffée au fil des ans, le plus souvent grâce à des coups de cœur, elle compte de nombreuses pièces encore non exposées qui permettront de varier régulièrement l’accrochage du nouveau musée, toujours dans l’esprit d’une confrontation entre la représentation par les peintres occidentaux et la réalité orientale.

Rappelons que l’Orientalisme n’est ni un mouvement ni un style pictural, comme se définissent par exemple le néo-classicisme, l’impressionnisme ou encore l’expressionnisme. Il s’agirait plutôt d’un climat qui apparaît au XVIIe siècle et qui trouve sa pleine expression en France sous l’impulsion de plusieurs facteurs historiques en place au XIXe siècle. Parmi eux la campagne d’Egypte de Bonaparte (du 19 mai 1798-31 août 1801), la Guerre de libération de la Grèce (1821-1829), l’ouverture du canal de Suez (1869), la prise d’Alger par les Français (1830) et le voyage de Delacroix au Maroc en 1832.

Au cours de cette période influente dans l’histoire de l’art, bon nombre d’artistes occidentaux traduiront, chacun à leur façon, leurs premières expériences et impressions au contact du monde oriental. Sur les traces de Delacroix au Maroc, leurs périples se chargent de symboles et deviennent une source d’inspiration intarissable pour les écrivains et artistes. La façon de traiter et de mettre en œuvre ces nouvelles données diffère d’un maître à l’autre puisque chacun conserve son style originel. Certains restent dans l’académisme pur, d’autres évoluent vers des mode d’expression plus novateurs. A partir de 1870 de nombreux artistes non-français rejoignent la tendance. L’Orientalist Museum illustre parfaitement l’universalité de cette mouvance. Ainsi, aux côtés de phototypies de Delacroix, d’aquarelles fauvistes de Raoul Dufy (1877-1953), de tableaux de Léopold Stevens (1866-1935), Mattéo Brondy (1866-1944), Jacques Majorelle (1886-1962), Henri Pontoy (1888-1968), Edy-Legrand (1892-1970), on peut apprécier les tableaux de peintres belges (Jehan Frison [1888-1961]), allemands (Adolf Schreyer [1828-1899]), autrichiens (Ludwig Deutsch [1855-1935]), américains ( Edwin Lord Weeks [1849-1903], John Louis Endres [1896-1989]), espagnols (Mariano Bertuchi [1884-1955], Gonzalo Bilbao [1860-1938], Antonio Fuentes [1905-1995]), suédois (Carl August Lundberg)…

Les œuvres de ces peintres d’horizons divers, de nationalité différente, de formation et de sensibilité particulières proposent une vision d’Orient propre à une période de colonisation et d’impérialisme occidental, de découvertes d’autres cultures et d’autres religions.

Au fil des salles, réparties sur deux étages autour d’un patio, les représentations picturales se confrontent à des objets du quotidien, à du mobilier art déco, à des œuvres d’art appliqué… Ainsi la « Fille de Tiznit aux bijoux » réalisé par Henri Pontoy trouve un écho particulier alors qu’elle surplombe une vitrine de bijoux berbères en argent. Un petit salon art déco de facture meknassi accueille le visiteur pour une pause lecture, à l’ombre de la mosquée en restauration de C. A. Lundberg.

Les sujets abordés sont variés et se réfèrent, dans un premier temps, à la vision occidentale de l’Orient : scènes de harem, scènes de batailles (Mario Bertuchi), portraits de notables, représentations de paysage typique (désert, oasis, villes orientales). Compromis entre fiction et réalité, ils se traduisent par des représentations parfois fantaisistes d’un Orient tout droit sorti des Mille et une nuits. Ces thèmes vont peu à peu se substituer au profit d’une peinture ethnographique plus précise et moins idéalisée. Les paysages n’intéressent pas moins les peintres que les types humains.

Longtemps la peinture orientaliste était englobée dans ce que l’on qualifiait d’art pompier, au même titre que la peinture académique d’histoire. Dépréciée sous la plume des critiques, qui y voient l’incarnation du mauvais goût du XIXe siècle, ce n’est que depuis les années 1970 qu’elle est progressivement réévaluée. Dès 1980, les musées du monde occidental organisent des expositions autour de la peinture orientaliste et déclinent de nombreux thèmes : Vivant Denon et la campagne en Egypte de Napoléon, la femme dans la peinture orientaliste, le Maroc de Delacroix, Matisse au Maroc, etc.

De plus en plus de musées accueillent de manière permanente une ou plusieurs salles orientalistes au sein de leur parcours, reconnaissant ainsi la valeur historique et esthétique de cette tendance. Mais aucun musée orientaliste à proprement parler n’existe en Europe ou dans le Nouveau Monde. Serait-on accusé d’apologie de l’impérialisme et du colonialisme si on décidait d’en créer un ? Il faut se tourner vers… l’Orient pour découvrir le premier musée du genre à Doha au Qatar.

Fruit d’une donation en 2005 par l’amateur d’art Sheikh Hassan bin Mohammed Al Thani, le musée qatari compte près de 700 peintures, aquarelles, dessins et estampes. Comme son confrère marrakchi, il confronte des objets d’art appliqué orientaux aux œuvres d’art orientalistes afin d’apporter un éclairage nouveau sur la rencontre de plusieurs cultures dans un pays où des populations de différentes nationalités coexistent.

Comment comprendre cet état de fait ? L’Occident aurait-il plus de mal à assumer sa position ethnocentriste alors que l’Orient accepte sans rancune l’image que lui a renvoyée durant des décennies le monde impérialiste et colonisateur occidental ? A moins que ce ne soit une manière de renvoyer à l’Occident sa propre image, celle d’une civilisation imbue d’elle-même et pleine de certitude sur sa prééminence.

Alors que l’appel à la prière retentît depuis le minaret de la mosquée voisine, je me trouvai face à la toile du suédois Lundberg (Restauration d’une mosquée à Tanger), entre rêve et réalité. La fascination de l’Orient continue d’opérer… C’est alors qu’une petite voix malicieuse résonna dans ma tête, me posant la question : la ville ocre ne reflète-t-elle pas encore aujourd’hui une image stéréotypée de l’Orient idéalisé, avec sa multitude d’échoppes bigarrées, ses hammams aseptisés où les touristes se font masser telles des odalisques des temps modernes, ses riads et palais de rêve, ses boutiques beldi mais chic pour touristes en quête d’exotisme, mais pas trop ?

Malgré mes questions, qui ne sont que le fruit de mes élucubrations et d’une réflexion purement personnelle, je n’ai en aucun cas boudé mon plaisir durant la visite de l’Orientalist Museum. Des œuvres de qualité, un décor envoûtant et une vue exceptionnelle depuis la terrasse…

The Orientalist Museum of Marrakech
THE ORIENTALIST MUSEUM Kaat Benahid – Derb El Khamsi N°5 Marrakech 40000 Ouvert tlj de 09:00 à 19.00 Tél. +212 (0)5 24 44 73 79

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