Tinmal l’Almohade

Tinmal l'Almohade

Tinmal l’Almohade

Voilà encore une belle excursion à effectuer au départ de Marrakech. Elle peut se prolonger par un circuit de plusieurs jours vers Taroudant jusqu’à Agadir, si le cœur vous en dit. Une longue balade sur les contreforts du Toubkal vous conduit jusqu’au Tizi-n-Test, incomparable belvédère dominant la plaine surchauffée du Sous. La sinueuse et vertigineuse route de montagne remonte la vallée du Nfiss, encadrée de forêts de genévriers, puis de cyprès et de pins d’Alep, avant d’attaquer à grands virages l’ascension du col. La végétation est luxuriante, l’eau abonde – la route longe l’oued Nfiss – , les cultures maraîchères alternent avec les tamaris, les lauriers roses, les oliviers. Les troupeaux de chèvres et de moutons défilent. Vous découvrirez d’anciennes kasbahs avant de vous arrêter immanquablement à Tinmal. Ce village isolé constitue l’un des sites majeurs de l’histoire médiévale du Maroc, mais aussi de tout l’occident méditerranéen.

Il est frappant de voir combien les villages d’Aghmat et de Tinmal vécurent un destin similaire. Inconnu jusqu’à la fin du 11ème siècle, le première devient le foyer spirituel d’Ibn Tachfin (ca. 1009 -1106),  fondateur des Almoravides. Au siècle suivant, un prétendu mahdi (envoyé de Dieu) prêche la pureté, le rigorisme et l’unicité de Dieu. Mohamed Ibn Toumert (ca. 1075/1097 – 1130), dont les partisans sont les Almohades (les Unitaires) crée un mouvement contestataire avec la ferme intention de déraciner totalement les Almoravides. Il s’installe à Tinmal, site déjà très difficile d’accès et renforcé par tout un système de fortifications. A la mort d’Ibn Toumert en 1130, son lieutenant, Abd el-Moumen (ca. 1100 -1163), poursuit sa tâche d’unification. La chevauchée dure vingt années et s’achève par la chute de la dynastie almoravide et la prise de sa capitale Marrakech en 1147. Tinmal, petite cité du Haut Atlas marocain, devient la capitale spirituelle et le centre culturel de tout un empire.

Après le déclin de chacune de ces dynasties, Aghmat et Tinmal redevinrent ce qu’elles étaient avant ces épopées : de simples bourgades au pied de l’Atlas pour l’une, à flanc de montagne pour l’autre. Retombées dans l’oubli, seuls, quelques vestiges et monuments rappellent le passé glorieux de ces modestes cités.

Tinmal l'Almohade
Tinmal l'Almohade

Sur une plate-forme surélevée, magnifique et d’une rare beauté apparaît
la mosquée fortifiée  de Tinmal. Elle fut construite en 1153 par Abd
el-Moumen en hommage au mahdi Ibn Toumert. Admirablement restaurée en
1997, elle garde toute la sobriété propre à l’architecture almohade.
Cette dynastie, pourtant basée sur un ascétisme et une rigueur
religieuse, se laissa attendrir dans le domaine de l’art en imaginant de
délicates ornementations sur les mirhabs, arcades et autres chapiteaux.
Elle créa un type bien précis de grande mosquée dont le plan présente
un dispositif en T. Il se caractérise par des nefs perpendiculaires au
mur qibla, mur indiquant la direction de La Mecque. La première travée
parallèle à ce mur est ornée des coupoles à mouqarnas, sorte de
stalactites en stuc disposées en encorbellement. Ce sont probablement
les premières et les plus parfaites du genre au Maroc. Une allée
centrale mène au mirhab au-dessus duquel – fait exceptionnel – était
placé un minaret, semblable à la Tour Hassan de Rabat, à la Koutoubia de
Marrakech et à la Giralda de Séville. La salle de prière était à
l’origine recouverte d’un toit de cèdre. Aujourd’hui le profane déambule
parmi une forêt de piliers à ciel ouvert pour aboutir dans la cour aux
ablutions et admirer au passage les ornements subtils tels que l’arc
lobé, polylobé ou à lambrequins ; les chapiteaux portent des motifs
floraux très simples et quelques éléments d’écriture coufiques facile à
lire. Le mirhab est à lui seul le symbole de l’austérité voulue. Il
associe la pureté de l’arc brisé outrepassé et de l’arc à lambrequins
qui l’enveloppe à la simplicité du large bandeau à entrelacs
géométriques qui les encadre.

Tinmal l'Almohade
Tinmal l'Almohade
Tinmal l'Almohade

Le visiteur qui se promène le long des remparts à Marrakech ou à Taroudant est frappé par la présence de trous qui parsèment les pans de murs. Pigeons, moineaux et martinets y trouvent leur refuge, mais ce n’est certainement pas ce souci qui préoccupa les bâtisseurs. Ces cavités sont liées à la technique de construction du pisé et correspondent à l’emplacement des traverses de bois supportant le coffrage.

Tinmal l'Almohade

Non obturées, elles permettent l’accrochage des échafaudages pour les travaux d’entretien. La mosquée de Tinmel offre ces « nichoirs » aux Moineaux domestiques et aux Rolliers d’Europe. Lors de mes dernières visites au mois de mai, j’ai eu le bonheur d’observer ce magnifique oiseau au plumage bleu turquoise et au manteau brun clair, dont les tons se marient à merveille avec l’azur du ciel et l’ocre de la terre. Son cri rauque, sorte de « rak-rak » similaire à celui d’un Corvidé, se fait encore entendre lorsque l’on se promène le long du ruisseau en contrebas de la mosquée.  Peu à peu,  le croassement s’amenuise et devient coassement. Ce sont les grenouilles qui entament un concert. Assis sur de grosses pierres plates, au bord de l’eau, l’endroit est idéal pour un pique-nique. La mosquée émerge derrière un rideau de feuillage. Vision magnifique…

Isabelle

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