Quelquefois la chaleur étouffante de Marrakech incite à l’évasion, le temps d’une journée. Il suffit alors de s’éloigner de quelques centaines de kilomètres pour trouver la fraîcheur de l’altitude ou le vent du large. Alors que la ville rouge brûle sous ses 40° estivaux, Essaouira jouit de la douceur de son climat grâce à l’alizé qui souffle toute l’année et que ses habitants ont surnommé ironiquement « ouled el bilad » (le fils du pays).
Essaouira est à moins de 200 km à l’ouest de Marrakech. La route qui y mène donne l’occasion de découvrir de grandes arganeraies, typiques de cette région du Maroc. Dernier arbre poussant au Sud avant le Sahara, l’arganier (argania spinosa) est une espèce endémique qui ne se trouve que dans la partie sud-ouest du pays, dans la région du Sous, entre Essaouira et Agadir. Il est à l’origine de cette précieuse huile d’argan aux multiples vertus. Bâtie sur une presqu’île rocheuse dont la rade est abritée par la grande île voisine, Essaouira offre des plages de sable fin qui s’étendent jusqu’au Cap Sim, s’entoure de forêts d’arganiers ou de thuyas et de dunes.
A l’instar de Saint-Malo la Bretonne, avec laquelle elle présente nombre de similitudes, la vieille ville est ceinte de remparts qui en font un exemple exceptionnel de cité fortifiée selon les principes de l’architecture militaire européenne de la fin du 18ème siècle. C’est un Français qui dessina les plans de la légendaire Mogador, ainsi nommée par les Portugais. Après avoir bâti sa fortune grâce aux salaisons, à la pourpre puis à la canne à sucre, Mogador, ville de commerce, va devenir la puissante base arrière du sultan Mohammed ben Abdallah (c.1710-1790). Pour faire face aux révoltes de la proche Agadir, il lui faut un port et une forteresse. Le sultan fait appel à l’ingénieur Théodore Cornut qui s’inspire du travail de Vauban (1633-1707). Il fait construire une citadelle aux artères amples et droites, très différentes de ce que le Maroc connaît alors. Ce plan vaudra à la ville son nouveau nom: Essaouira, « la bien dessinée ».
Une seule journée ne suffit pas pour profiter pleinement de la douceur de vivre d’Essaouira, de l’activité matinale du petit port de pêche, ou encore de promenades vivifiantes le long de la plage. C’est à une longue flânerie qu’invite la médina, dont les ruelles teintées de bleu et de blanc résonnent du rire des goélands. Des allées du souk aux petites places ombragées en passant par les galeries d’art de l’avenue Oqba ben Nafi, vous cheminerez jusqu’à la Sqala de la kasbah, ce puissant rempart crénelé qui défendait la ville du côté de la mer. Sur le chemin de ronde, des pièces de canon reposent sur leurs affûts, braquées vers le large. Il ne manque que la statue d’un légendaire corsaire breton… Au large s’étendent les îles Purpuraires qui doivent leur nom à la fabrique de pourpre – tirée du mollusque marin, le murex – qu’y avait établi au 1er siècle A.C. le roi mauritanien Juba II. Depuis 1980 l’archipel abrite une réserve ornithologique et plusieurs espèces y trouvent refuge dont le Faucon d’Eléonore.
La Bab el Marsa s’ouvre sur le port de pêche, l’un des endroits les plus animés de la ville. Dès le petit matin, le retour des chalutiers est salué par un concert de goélands et de mouettes. Les pêcheurs,éreintés par leur nuit de travail, se reposent sur des montagnes de filets bleus et rouges prêts à être démêlés et reprisés. Les bateaux sont déchargés. Le long des quais, des tables de fortune sont dressées pour accueillir sardines, soles, dorades, thons, espadons, pageots, merlans, loups de mer et autres flétans. La vente à la criée peut commencer. Comme toujours au Maroc, les chats ne sont jamais en reste.
Bretonne d’origine, je suis émue par tous les bruits, les odeurs, les activités qui émanent d’un petit port de pêche. Les gestes sont universels: la façon de repriser les filets, de décharger les chalutiers, de nettoyer les poissons… La casquette de marin, la vareuse, le ciré jaune, les bottes en caoutchouc se retrouvent ici aussi… parfois agrémentés d’une djellabah.
Essaouira est aussi une ville de culture. Dans les années 1980, l’historien d’art danois Frederic Damgaard tombe sous le charme de sa médina, alors peu fréquentée, et y découvre des artistes en devenir. Il crée une galerie et expose les œuvres de ces maçons,pêcheurs, gardiens de la paix qui créent un art mi-naïf mi-primitif, à l’abri de toutes influences académiques. Depuis, les galeries se multiplient, les artistes aussi et font d’Essaouira une de ses particularités.
A l’heure où j’écris ces lignes, Essaouira résonnera au son du Festival Gnaoua et musique du monde qui accueille chaque année un nombre grandissant de spectateurs venus écouter maâlems et musiciens gnaouas, groupes marocains, mais aussi des artistes internationaux.
Essaouira,encore un endroit à ne pas manquer lors de votre séjour à Marrakech.Quelle que soit la période de l’année, le moment sera propice pour une excursion d’une journée ou d’un séjour prolongé. J’ai une bonne adresse à vous suggérer.
Isabelle.